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Page:Mercure de France - 1891 - Tome 2.djvu/54

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JANVIER 1893

AU THÉÂTRE LIBRE

Soirée du 26 novembre 1890. L'amant de sa Femme par Aurélien scholl. Monsieur Bute, par Mamies biollay. La belle Opération, par jolies seunbt. Quelques esprits fort ardents, encore jeunes et d’une illusion infatigable, s’imaginent que M. Antoine s’est engâgé à leur offrir un chef-d’œuvre par mois. Aussi, lorsque la représentation n’a pas répondu à ce programme, crient-ils volontiers et très ridiculement à la trahison. Il est vrai et c’est ce qui fait grand honneur à cette entreprise qu’on ne va pas au Théâtre Libre comme on va dans la plupart des salles de spectacle de Paris : tuer une soirée, se distraire dans la mesure du possible et n’y plus penser. Cher M. Antoine, on vient chercher du nouveau, de l’inédit, du rare, de l’artistique, de l’intellectuel ; la curiosité est vivement surexcitée, on cause de la pièce avant son apparition, on en discute après, on s’attend toujours à quelque événement. Mais, ce que l’on ne demande pas même à la Comédie Française une fois par an, comment l’exigerait-on du Théâtre Libre une fois par mois ? Non, M. Antoine n’a nullement promis à son public des chefs-d’œuvre mensuels. Il s’est proposé seulement et ce seulement est déjà beau de doter la vie littéraire contemporaine de spectacles intéressants, composés hors de toute compromission avec les goûts de la plèbe, désintéressés, laissant aux auteurs l’intégrale liberté de leur pensée et dopnant ainsi autant que possible la note. Juste sur l’évolution actuelle de l’art en matière dramatique. A ce point de vue, qu’elles soient fructueuses ou non d’applaudissements et d’éloges, les soirées du Théâtre Libre demeurent toujours caractéristiques. Celle du 20 novembre, la deuxième de la saison, qui a excité, plus encore qu’il n’est concessible, les malveillances peu spirituelles de la presse, si elle n’a rien mis a jour d’extraordinaire, a du moins maintenu à là hauteur habituelle les traditions (peut-on parler de traditions a Théâtre Libre ?) de sincérité, de recherche, d’horreur du banal, de vérité dans l’interprétation, de courage, d’hospitalité en honneur dans la maison. Ce n’est pas que les trois pièces du programme méritent au même titre l’attention, soient dignes à un même degré de sympathie, loferais assez bon marché de l’acte de M. Scholl. Cet opuscule n’est remarquable ni par le fond, ni par la forme. Sa thèse car, ô Dumas, c’est une pièce à thèse ! pose qu’un mari, pour ne pas être trompé par sa femme, ne doit pas se contenter de l’embrasser entre les yeux et les épaules : ce qui se démontre par un souper fin et des tapisseries renouvelées. Admirez, ô moralistes ! Le dialogue, très superficiel, est jonché de ces faux bons mots de l’esprit boulevardier,