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Page:Mercure de France - 1891 - Tome 2.djvu/58

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JANVIER 1893

nan, prince, Est-ce un éloge ? L’écrivain est de bonne race» Le penseur a renoncé. Tous les partis que peut prendra la raison humaine, ils le disent, sont également inconsistants et nous n’avons guère b choisir que parmi de plus ou moins plaisantes erreurs. M. France a fait son choix d’erreurs. Il serait imprudent de lui opposer les nôtres. Est-il nécessaire de discuter les siennes ? Il y tient si peu ! Vous savez quelle belle légende, celle de Thaïs. Quel merveilleux poème dormait là, qu’un poète. Avec quelque foi eût-elle été éphémère pourvu qu’elle eût été sincère dans l’instant — aurait écrit pour toujours. M. A. France ; « Anachorètes et Cénobites estimaient que les maladies de nos membres assainissent nos âmes et que la chair ne saurait recevoir de plus glorieuses parures que les ulcères et les plaies. Ainsi s’occomplissait la parole des prophètes : Le désert se couvrira de fleurs a Les diables qui livrent de si rudes assauts aux bons anachorètes n’osaient s’approcher de Paphnuce. La nuit, au clair de lune, sept petits chacals se tenaient devant sa cellule, assis sur leur derrière, immobiles, silencieux, dressant l’oreille. Et l’on croit que c’était sept démons qu’il retenait sur sop seuil par la vertu de sa sainteté Agréable ironie ! Le ton bon enfant était-il parfaitement en harmonie avec la gravité pourtant du sujet ? M. A.

France l’a pensé.

Ce Paphnuce, abbé miraculeux d’Antinoï, s’en ira dans Alexandrie, pour y chercher la grande courtisane Thaïs et la ramènera, comme une proie, dans l’Aride paradis de la Thébaïde. Mais, blessé dans ses sens par la beauté, tandis que l’impure deviendra une sainte, le saint sera livré à tous les démons de toutes les concupiscences. Thaïs va mourir : Paphnuce est là, l’exhortant le sacrilège confesseur, à la vie, à la joie, au plaisir, à l’amour. Vénus, vaincue dans son trône d’Alexandrie, prend au désert une épouvantable revanche. Croit-on cette fable bien logique ? La puissance mystique assez haute naguère pour renverser les remparts païens dans toute leur gloire, pour arracher au’myrte royal d’Alexandrie sa plus splendide fleur, pouvait-elle, cette vertu de la foi et de la charité, périr de sa victoire même ? Le fallait-il ? Pourquoi ? Cela sans doute est indifférent. Dans l’erreur qu'il lui plut d’élire cette fois, M. A. France a suivi, je pense, quelque voie vaguement scientifique, et personne n’ignore plus, n’est ce pas, que ces âmes furieuses et tendres, ces Pères de la Thebaïde n’étaient que de pauvres hystériques à la merci du mal affreux qui avait éteint leur intelligence. Soit ! Des Savants l’ont démontré et je ne veux point discuter leur compétence. Soit ! Mais j’ai choisi une autre erreur. Au secondaire (1) point de vue de la littérature, la nou-


(1) Secondaire, dis-je, la littérature littéraire, celle qui n’est pas dans l’esprit du poète un moyen de grandir vers son propre et personnel Dieu. Ch. Mme