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Page:Mercure de France - 1891 - Tome 2.djvu/59

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MERCVRE DE FRANCE

velle œuvre de M. A. France est des plus recommandables. Ch. M”

Les Œuvres et les Hommes, par J . Barbet d’Aurevilly. Tome XII. Littératures étrangères (Lemerre). Dernière Polémiques, par le même (Savine). Le premier de ces volumes contient, entre autres, les études sur Shakespeare, Sterce, Heine. Hoffmann, Goethe, Gogol, Dante, Swift, Byron, Léo pardi, E. Poe. Parmi les pages du second : La Cuvette de Sainte-Beuve. Le Robespierre des honnêtes gens, les Singes à l’Académie, les Petits grands Hommes, les Filles, Bas-Bleus et Ratés, etc. C’est toujours, qu’il rédige en poète érudit de l’histoire littéraire ou qu’il s’emballe, en journaliste de violence et d’ironie, sur les minces faits de l’actualité, le grandiloquent et inquiétant d’Aurevilly. De ces produits d' un labeur excessif que lui imposa l’indifférence contemporaine pour les œuvres d’art, la publication n’est pas inutile. Nous devons connaître ses œuvres complètes, son génie impose la déférence de ne mépriser rien de ce qui s’élabora dans une cervelles ! merveilleusement compliquée. Cette série, qui aura, près de vingt volumes, ne le fait pas plus haut, mais elle le fait plus vaste. La femme dévouée à la, tombe et au nom qui a entrepris ce monument doit donc, pour sa persévérance. être humblement remerciée par tous les amants de la littérature aurevillicnné. K. G.

L’Imprévu, par Gustave Guiches (Tresse ét Stock). Il ne suffirait pas de dire que ce roman est un livre. du genre amusant, attachant, un livre pour femme et qui finit presque bien. C’est encore, surtout dans les deux cents premières pages, une étude rare et originale du « soi ». Léon Dussol y cultive son égoïsme avec amour, comme une tulipe monstrueuse. Il se connaît, s’approuve et s’enivre de son vin. S’il refuse de l’argent à un inventeur, c’est parce qu’il ne veut point « encourager certaines folies ». A-t-il fait un serment à une femme, il trouve aussitôt de solides raisons pour être parjure. En effet, « un engagement obtenu par des procédés de séduction auxquels succombent les volontés les plus fermes ne saurait être valable ». Cette femme qui dérangerait a la tranquillité de sa vie », il la repousse avec fermeté, sans colère toutefois, sans rage, car le bons sens l’a toujours « sauvé du danger des paroxysmes. »

— « Mais je vais être mère », dit Adeline.

— « Précisément, répond-il, je connais une maison discrète. Il y a un parc immense, des fleurs partout, une salle de fêtes dans laquelle on donne des concerts très recherchés. Je suis sûr que vous ne vous ennuierez pas. » La lutte continue entre cette impudente philâutie de l’homme et le doux entêtement de la femme.

— « Soit, restez, dit-il enfin. Mais je vous préviens que nous vivrons sur le pied de guerre et que vous aurez à souffrir. »

— « Je sais souffrir ». dit-elle simplement. Et toujours Léon Dussol porte son égoïsme comme un ha-