u moment de mon bonheur. Il y a seulement cette différence que le livre ne suffit pas comme échelle de Jacob vers mon Dieu. Il faut maintenant que je sorte et le cherche -dans la vie ; je me sens au fond du cœur meilleur, j’aime aussi l’herbe qui rampe à mes pieds ; à elle aussi une part dans le bonheur est donnée.
. — Mais dis-moi maintenant —
. — Maintenant, j’ai tout dit, — mon riche secret,
que nous garderons à nous, trois.
. — Oui, mais dis-moi, as-tu pensé un peu à l’avenir ?
. — Pensé ? pensé à l’avenir ? non, à partir de
cette heure, je vis dans l’instant printanier. Je tourne les yeux vers mon bonheur ; nous tenons les rênes du destin, moi et elle. Ni toi, ni Guldstad, —- ni même Mme Halm ne pourraient dire à ma jeune fleur de vie : « Fane-toi ! » Car j’ai la volonté, elle a des yeux brillants et la fleur doit s’épanouir !
. — Bien, frère, le bonheur te veut !
. — Mon ardeur brûle comme une vive chanson ;
je me sens si fort ; s’il y avait un gouffre à mes pieds, — si béant fût-il, — je le sauterais !
. — Ceci veut dire en simple prose que l’amour
a fait de toi un renne.
. — Ô, — si je partais avec la troupe sauvage du
renne, je sais où l’oiseau de mon désir s’enfuirait en même temps !
. — Il va donc s’envoler dès demain ; tu fais
partie du quatuor en montagne, je t’assure que tu n’as pas besoin de fourrure.
. — Le quatuor ! Bah, — qu’ils grimpent seuls !
Pour moi l’air des montagnes est au fond de la vallée ; ici j’ai les fleurs et les horizons du fjord, j’ai le bruit du feuillage et le gazouillement des oiseaux, et les fées du bonheur, — puisqu’elle est ici !
. — Oh les fées du bonheur ici, dans Akersdal [1],
sont rares comme un élan ; tiens-les bien par les cheveux. (Avec un coup d’œil vers la maison.) Chut, — Svanhild —
— Bien ; je m’en vais, — que
personne ne sache ce qu’il y a entre toi et moi, et elle. Merci de m’avoir pris mon secret ! enfouis-le dans ton cœur, — profondement et chaudement, comme je te l’ai donné.
- ↑ Vallée de l’Aker, qui traverse Kristiania.