Page:Mercure de France - 1896 - Tome 17.djvu/362

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e jugez pas trop vite. J’ose vous assurer, par la main et la bouche, que sa vocation est très grande et incoercible —

Straamand (se déridant). — Oui, — s’il est assuré qu’il pourra compter sur quelque chose de tout à fait certain à l’année, — alors c’est autre chose.

Falk

(impatient). — Vous mettez devant ce que je mets

derrière ; je parle de vocation, — d’aspiration, — non d’appointements !

Straamand (avec un sourire expressif). — De cela personne ne peut témoigner en Amérique, Europe ou Asie, — bref nulle part. Oui, s’il était libre, mon cher jeune ami, — s’il était seul, sans lien, — oui cela pourrait aller ; mais pour Lind, dans sa situation de fiancé, — une pareille position n’est pas bonne. Pensez-y vous-même ; c’est un homme vigoureux, avec le temps il pourra avoir un peu de famille ; — je lui suppose la meilleure volonté ; — mais les moyens, mon ami ? — « Ne construis pas sur le sable », dit l’Écriture. Ce serait une autre affaire si l’offrande — —

Falk

. — Oui, elle n’est pas mince, je le sais.

Straamand. — Ah bien — cela aide. Quand on est résolu à apporter l’offrande, et de bon gré —

Falk

. — Il est résolu, comme pas un.

Straamand. — Il ? Comment dois-je vous comprendre ? Par suite de la situation, il accepte l’offrande, il ne la fait pas —

Mme Straamand (regarde au fond de la scène). — Les voilà qui reviennent.

Falk

(le regarde un instant, étonné, le comprend tout à

coup et éclate de rire). — Bravo pour l’offrande ; — oui, celle qui est apportée aux jours de fêtes, — enveloppée dans du papier !

Straamand. — Car si toute l’année on serre bien les freins on a du reste encore à Noël et à la Pentecôte.

Falk

(gai). — Et l’on remplit sa « charge », — quand

elle est importante, — même si l’on a des charges de famille !

Straamand. — Cela va de soi ; si l’on est assuré assez largement, alors on peut aller même chez les Cafres Zoulous. (Bas.) Maintenant je vais la ramener à ce qui est bien. (À une des petites filles.) Ma petite Mette, donne-moi ma tête. Ma tête de pipe, je veux dire, mon enfant, tu comprends — (il tâte la poche de sa redingote.) Non, attends, — je l’ai sur moi.

(Il remonte et bourre sa pipe, suivi de sa femme et de ses enfants.)

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