(Ils sortent ensemble dans le jardin ; pendant ce qui suit on les aperçoit de temps en temps au fond en conversation animée.)
(descend dans le jardin, et aperçoit FalK, debout,
regardant du côté de l’eau). — : Ces messieurs poètes sont gens de vengeance et de haine ; mais nous, hommes de gouvernement, sommes habiles hommes d’état ; je vais travailler pour moi-même — (Il voit le prêtre, qui sort du salon.) Voyez !
Straamand (sur la véranda). — Il s’en va réellement ! (Il descend vers Styver.) Oh, mon cher, — allez, entrez un petit instant dans la chambre et gardez ma femme —
. — Je vais garder madame !
Straamand. — Lui tenir compagnie, je veux dire. Nous deux et les petits, nous sommes si habitués à être ensemble, et jamais — (Comme sa femme et les enfants se montrent à la porte.) Là, les voilà sur le seuil !
Mme Straamand. — Où es-tu, Straamand ?
Straamand (bas à Styver). — Trouvez quelques paroles qui puissent les captiver, — quelque chose d’un peu amusant !
(monte sur la véranda). — Avez-vous lu, madame,
la pétition au ministère ? C’est un prodige pour la perfection du style ; — (il prend un livre dans sa poche) je vais vous rendre compte in extenso —
(Il les oblige poliment à entrer dans le salon, où il les suit. Falk marche dans le jardin ; lui et Straamand se rencontrent ; ils se regardent un instant.)
Straamand. — Eh bien !
. — Eh bien ?
Straamand. — Monsieur Falk !
. — Monsieur le pasteur !
Straamand. — Êtes-vous plus traitable maintenant que lorsque nous nous sommes séparés ?
. — Non, je poursuis inébranlablement ma
route —
Straamand. — Même si vous foulez aux pieds le bonheur de votre prochain ?
. — Je plante l’arbre de vérité à la place du
bonheur. (Souriant.) Au surplus, pensez-vous encore au journal des amoureux ?
Straamand. — Était-ce donc peut-être une plaisanterie ?
. — Oui, consolez-vous, cette œuvre s’en va en
fumée ; c’est en action, non sur papier, que je brise la glace.