Page:Mercure de France - 1896 - tome 18.djvu/69

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Guldstad

(tranchant). — Que voulez-vous dire par

là ?

Falk

. — Cela se touche ; car la base solide, je pense,

est bien l’argent, — l’argent miraculeux, qui fait à bien des veuves entre deux âges un ornement, de la gloire dorée de sainte Gertrude.

Guldstad

.— Oh non, il y a encore autre chose qui

vaut mieux. C’est le tranquille, cordial courant d’amical respect, qui peut honorer son objet aussi complètement que l’allégresse dans un rêve confus. C’est un sentiment de bonheur du devoir, de soins confortables, de paix de la maison, d’inclinaison du vouloir l’un vers l’autre, d’éveil pour qu’aucune pierre ne vienne blesser le pied de l’élue partout où elle va dans la vie. C’est une main de douceur qui panse les blessures, c’est la puissance de l’homme, qui porte d’un dos volontaire l’équilibre, qui offre à travers les années son bras qui soutient fidèlement et porte confiant. — Tel est le fondement, Svanhild, que je puis offrir pour la construction de votre bonheur ; répondez maintenant. (Svanhild fait un grand effort pour parler ; Guldstad étend la main et l’empêche.) Réfléchissez bien, pour n’avoir pas à vous repentir ! Choisissez entre nous d’un esprit clair et de sang froid.

Falk

. — Et d’où savez-vous —

Guldstad

. — Que vous l’aimez ! Je l’ai lu au fond de

vos yeux. Dites-le lui aussi maintenant. (Il lui serre la main.). Maintenant je rentre. Que le jeu finisse. Et si vous pouvez me promettre de la main et de la bouche d’être pour elle un ami dans la vie, un bâton sur la route, un soutien dans le malheur, comme je puis l’être — (Il se tourne vers Svanhild.) Soit, passez donc une barre sur ce que j’ai offert. Alors j’ai gagné la victoire, une victoire tranquille ; vous gagnez le bonheur ; c’était ce que je voulais. (À Falk.) Et, c’est vrai,— vous avez parlé d’argent ; croyez-moi, c’est un peu plus qu’un colifichet. Je suis seul, je ne connais aucune personne chère ; tout ce qui est à moi, sera à vous ; vous serez mon fils et elle ma fille. Vous savez qu’à la frontière je possède une usine ; j’y vais ; vous vous mettez en ménage, et sitôt l’année finie, nous nous reverrons. — Vous me connaissez maintenant, Falk ; examinez-vous vous-même, n’oubliez pas que le voyage qui descend le fleuve de la vie n’est pas un jeu, n’est pas de jouir et savourer ; — et puis, au nom de Dieu, — alors choisissez !