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MERCVRE DE FRANCE

lest, les êtres bizarres réservés de ses vingt-sept livres pairs et le manuscrit par moi saisi ; passa à ses coudes les deux guides de la barre, et me faisait signe de m’asseoir, face à lui, sur le siège de feutre aux mouvements alternatifs (ce à quoi, ivre déjà et persuadé à demi, je ne sus désobéir), il m’entrava les pieds à deux ceps de cuir, au fond de l’as, et lança vers mes mains les poignées des avirons de frêne, dont les pelles s’écartèrent dans la symétrie bruissante de deux plumes de paon qui roueraient seules.

Je tirai les rames reculant sans savoir où, louchant entre deux files de fils mouillés d’horizontalité grise, croisant des formes surgies derrière moi que les avirons tranchants fauchaient aux jambes ; d’autres formes lointaines imitaient le sens de notre route. Nous nous insérions entre les foules d’hommes ainsi que dans un brouillard dense, et le signe acoustique de notre progression était l’acuité de la soie déchirée.

Entre les lointaines, qui nous suivaient, et les proches, qui nous croisaient, de troisièmes figures verticales, plus stationnaires étaient observables, et Faustroll ne s’y opposant point, m’expliquant même que la vie des navigateurs était d’aborder et de boire, et le rôle de Bosse-de-Nage de tirer l’as sur le rivage à chaque halte de nos erreurs, comme celui de ses paroles d’interrompre, où une pause serait utile, nos discours, je regardai les êtres que je découvrais à reculons, semblablement aux observateurs dans la caverne platonique, et consultai successivement l’enseignement du patron de la nef, Faustroll le docteur.