Page:Mercure de France - 1898 - Tome 26.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
397
MAI 1898

IV

DE LA MER D’HABUNDES, DU PHARE OLFACTIF, ET DE
L’ÎLE DE BRAN, OÙ NOUS NE BÛMES POINT.

À Louis Lermoul.

« Ce corps mort, dit-il, de la charogne duquel tu vois des barbons blancs, au tremblement sénile, et des jeunes gens roussâtres, aux paroles et au silence d’idiotie équivalente, donner la becquée à des oiseaux grivolés, de la couleur de l’écriture, comme l’ichneumon taraude pour réserver son œuf, n’est pas seulement une île, mais un homme ; il se plaît à être nommé le Baron Hildebrand de la mer d’Habundes.

« Et comme l’île est stérile et désulée, il n’a aucune espèce de barbe. Il pâtit de la gourme en son enfance, et sa nourrice, qui était vieille à ce point qu’on obtenait de ses conseils des selles anormales, lui prédit que c’était un signe comme quoi il ne pourrait dissimuler aux hommes

L’infâme nudité de son mufle de veau.

« Il n’est mort et putréfié que du cerveau, et des centres antérieurs de la moelle, qui sont les moteurs. Et à cause de cette inertie, il est, sur la route de notre navigation, non pas un homme, mais une île, et c’est pourquoi (si vous êtes bien sages, je vais vous montrer le plan)…

— Ha ha ! dit Bosse-de-Nage, réveillé soudain ; puis il s’enterma dans un mutisme obstiné.

— … C’est pourquoi, continua Faustroll, je le trouve mentionné sur ma carte fluviale Île-de-Bran.

— Oui, mais dis-je, comment se fait-il que cet afflux de peuple et d’oiseaux, qui vient déposer des pages mortuaires sur le cadavre, s’abatte sur