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MAI 1898

nier calvaire, que l’effroi de sa hauteur aurait permis de prendre, sans examen, pour un monumental autel de messe noir. À la pointe mousse de l’impraticable pyramide de marbre obscur, entre deux acolytes bien semblables à des cynocéphales de Tanit, la tête du roi géant se carbonisait devant la fournaise de la lune. Il empoignait un tigre par l’extensibilité de la peau de son cou, et forçait le peuple de la mer d’Habundes à une ascension à genoux. Après la préalable entaille des os par le couperet des degrés successifs, il laissait enduire, les crocs sur son poing, de leur chair, le monstre chasseur.

Il accueillit honorablement Faustroll, et, tendant le bras du haut du calvaire, il déposa dans notre as le viatique de vingt-quatre oreilles de mer d’Habundois, à la brochette d’une corne d’unicorne.

VIII

DE L’ÎLE AMORPHE.

À Franc-Nohain.

Cette île est semblable à du corail mou, amiboïde et protoplasmique ; ses arbres différaient peu du geste de limaçons qui nous auraient fait les cornes. Son gouvernement est oligarchique. L’un de ses rois, ainsi que nous l’indiqua la hauteur de son pschent, vit du dévouement de son sérail ; pour échapper à la justice de ses Parlements, laquelle ne procède que d’envie, il a rampé par les égouts jusqu’au-dessous du monolithe de la grande place et l’a rongé jusqu’à ne laisser qu’une croûte épaisse de deux doigts. Et ainsi il est à deux doigts de la potence. Semblable à Siméon Stylite, il s’isole dans cette colonne creuse, car il est de mode aujourd’hui de ne loger sur la plate-forme du cha-