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MERCVRE DE FRANCE

affleure la surface de l’Océan et dont la fonction est dedevorer le disque chu, comme la lune mange les nuages. Il s’agenouille quotidiennement à sa communion circulaire ; aussitôt la vapeur lui sort du naseau, et s’élève la grande flamme qui sontles âmes de quélques-uns. C’est ce que Platon disait la répartition par le sort des âmes hors du pôle. Et son agenouillement, par la structure de ses membres, est aussi un accroupissement. La durée de sa jubilation déglutissante est donc sans dimension ; et comme il digère selon une ponctualité vigoureuse, son intestin n’a point conscience de l’astre transitoire, qui n’est d’ailleurs point assimilable. Il se contourne un conduit dans la diversité souterraine de la terre, et remonte par l’autre pôle, ou il se purge des excréments dont il s’est souillé. C’est de cette laisse que naît le diable Pluriel.

Au pays où le soleil se couche perpétuel, il y a un roi, préposé à sa garde et de destin parallele, qui attend quotidiennement la mort ; il croit qu’une nuit demeurera une fois perennelle, et s’enquiert des digestions du crapaud de l’horizon. Mais il n’a pas le temps de considérer l’astre qui se hâte, panse librante, dans la caverne voisine : il a un miroir sur le nombril qui le lui réfléchit. Son seul loisir s’édifie en un château de cartes, auquel il ajoute chaque matin un étage, où viennent orgier, une fois le mois, les seigneurs des îles transpontines. Quand le château aura un trop grand nombre d’étages, l’astre le heurtera dans sa course et ce sera un considérable cataclysme. Mais le roi a eu le soin judicieux de ne le point ériger dans le plan de l’écliptique. Et le château s’équilibre en raison directe de sa hauteur.

Comme il faisait soir, quand Bosse-de-Nage tira notre as sur le rivage, le roi selon sa coutume attendait la mort et le crapaud bayait, fonctionnelle-