Page:Mercure de France - 1898 - Tome 28.djvu/590

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du moment présent. Nos existences mentales, qui sont immatérielles et n’ont pas de dimensions, se déroulent au long de la dimension du Temps avec une vélocité uniforme, du berceau jusqu’à la tombe, de la même façon que nous voyagerions vers en bas si nous commencions nos existences cinquante kilomètres au-dessus de la surface de la terre.

— Mais la grande difficulté est celle-ci, interrompit le Psychologue, vous pouvez aller de-ci de-là dans toutes les directions de l’Espace, mais vous ne pouvez aller de-ci de-là dans le Temps.

— C’est là justement le germe de ma grande découverte. Mais vous avez tort de dire que nous ne pouvons nous mouvoir dans tous les sens du Temps. Par exemple, si je me rappelle très vivement quelque incident, je retourne au moment où il s’est produit. Je suis distrait, j’ai l’esprit absent comme vous dites. Je fais un saut en arrière pendant un moment. Naturellement, nous n’avons pas la faculté de demeurer en arrière pour une longueur quelconque de Temps, pas plus qu’un sauvage ou un animal n’a la faculté de se tenir en l’air six pieds au-dessus du sol. Mais l’homme civilisé est à cet égard mieux pourvu que le sauvage. Il peut s’élever dans un ballon en dépit de la gravitation, et pourquoi ne pourrait-il espérer que finalement il lui sera permis d’arrêter ou d’accélérer son impulsion au long de la dimension du Temps, même se retourner et voyager dans l’autre sens ?

— Oh ! ça, par exemple, commença Filby, c’est…

— Pourquoi pas ? demanda l’Explorateur du Temps.

— C’est contre la raison, dit, Filby.

— Quelle raison ? dit l’Explorateur du Temps.

— Vous pouvez par toutes sortes d’arguments démontrer que blanc est noir et noir est blanc,