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sant au Psychologue : Vous qui êtes un penseur, vous pouvez expliquer cela. C’est du domaine de l’inconscient, de la perception affaiblie.

— Certes oui, dit le Psychologue en nous rassurant. C’est là un point très simple de psychologie. J’aurais dû y penser ; c’est assez évident et cela soutient merveilleusement le paradoxe. Nous ne pouvons pas plus voir ni apprécier cette machine, que nous ne pouvons voir les rayons d’une roue lancée à toute vitesse ou un boulet lancé à travers l’espace. Si elle s’avance dans le Temps cinquante fois ou cent fois plus vite que nous, si elle parcourt une minute pendant que nous parcourons une seconde, l’impression produite sera naturellement un cinquantième ou un centième de ce qu’elle serait si la machine ne voyageait pas dans le Temps. C’est bien évident.

Il passa sa main à la place où la machine avait été.

— Comprenez-vous ? dit-il en riant.

Nous restâmes assis, les yeux fixés sur la table vide, jusqu’à ce que notre ami nous eût demandé Ce que nous pensions de tout cela.

— Ça me semble assez plausible ce soir, dit le Docteur ; mais attendons jusqu’à demain, attendons le bon sens matinal.

— Voulez-vous voir la machine elle-même ? demanda notre ami.

Il prit en même temps une lampe, et nous entraîna au long du corridor qui menait à son laboratoire. Je me rappelle très vivement la lumière tremblotante, la silhouette de sa grosse tête étrange, la danse des ombres, notre défilé à sa suite, tous ahuris mais incrédules ; et comment aussi nous aperçûmes dans le laboratoire une machine beaucoup plus grande que le petit mécanisme que nous avions vu disparaître sous nos yeux. Elle comprenait des parties de