Page:Mercure de France - 1898 - Tome 28.djvu/614

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machine, puis moi-même ; ensuite me demandant un instant comment j’exprimerais l’idée de Temps, je montrai du doigt le soleil. Aussitôt un gracieux et joli petit être, vêtu d’une étoffe bigarrée de pourpre et de blanc, suivit mon geste, et à mon grand étonnement imita le bruit du tonnerre.

« Un instant je fus stupéfait, encore que la signification de son geste m’apparut suffisamment claire. Une question s’était posée subitement à moi : Est-ce que ces êtres étaient fous ? Vous pouvez difficilement vous figurer comment cette idée me vint. Vous savez que j’ai toujours cru que les gens qui vivront en l’année 2800 et quelque nous auraient devancés d’une façon incroyable, en science, en art et en toute chose. Et voilà que l’un d’eux me posait tout à coup une question qui le plaçait au niveau intellectuel d’un enfant de cinq ans — l’un d’eux qui me demandait, en fait, si j’étais venu du soleil avec l’orage ! Cela gâta l’opinion que je m’étais faite d’eux d’après leurs vêtements, leurs membres frêles et légers et leurs traits fragiles. Un grand désappointement me parcourut l’esprit. Pendant un moment, je crus que j’avais inutilement inventé la machine du Temps.

« J’inclinai la tête, indiquai de nouveau le soleil et parvins à imiter si parfaitement un coup de tonnerre qu’ils en tressaillirent. Ils reculèrent tous de quelques pas et s’inclinèrent. Alors l’un d’eux s’avança en riant vers moi, portant une guirlande de fleurs magnifiques et entièrement nouvelles pour moi, et il me la passa autour du cou. Son geste fut accueilli par un mélodieux applaudissement : et bientôt ils se mirent tous à courir de-ci de-là en cueillant des fleurs et en me les jetant avec des rires, jusqu’à ce que je fusse littéralement étouffé sous le flot. Vous qui n’avez jamais rien vu de semblable, vous ne pouvez guère vous imaginer quelles fleurs délicates et merveilleuses d’innom-