Page:Mercure de France - 1898 - Tome 28.djvu/639

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à nos séparations étaient parfois frénétiques et je crois qu’en somme je retirais de son attachement autant d’ennuis que de réconfort. Néanmoins elle était de toute façon une diversion salutaire. Je croyais que ce n’était qu’une simple affection puérile qui l’avait attachée à moi. Jusqu’à ce qu’il fût trop tard, je ne sus pas clairement quel mal je lui avais fait pendant ce séjour. Jusqu’alors, je ne sus pas non plus exactement tout ce qu’elle avait été pour moi. Car, par ses marques d’affection et sa manière futile de montrer qu’elle s’inquiétait de moi, la curieuse petite poupée donnait à mon retour au voisinage du Sphinx Blanc presque le sentiment du retour chez soi et, dès le sommet de la colline, je cherchais des yeux sa délicate figure pâle et blonde.

« Ce fut par elle aussi que j’appris que la crainte n’avait pas disparu de la terre. Elle était assez tranquille dans la journée et avait en moi la plus singulière confiance ; car, une fois, en un moment d’impatience absurde, je lui fis des grimaces menaçantes, et elle se mit tout simplement à rire. Mais elle redoutait l’ombre, et l’obscurité, et elle avait peur des choses noires. Les ténèbres étaient pour elle la seule chose effrayante. C’était une émotion singulièrement violente. Je remarquai alors, entre autre choses, que ces petits êtres se rassemblaient dès la nuit à l’intérieur des grands édifices et dormaient par groupes. Entrer au milieu d’eux sans lumière les jetait dans une tumultueuse panique. Jamais après le coucher du soleil je n’en ai rencontré un seul dehors ou dormant isolé. Cependant, je fus assez stupide pour ne pas comprendre que cette crainte devait être une leçon pour moi, et, en dépit de la détresse de Weena, je m’obstinai à coucher à l’écart de ces multitudes assoupies.

« Cela la troubla beaucoup, mais à la fin sa singulière affection pour moi triompha, et, pendant