Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/140

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blancs des collines lointaines s’évanouirent dans l’obscurité. La brise se changea en un vent gémissant. Je vis l’ombre centrale de l’éclipse s’étendre vers moi. En un autre instant, seules les pâles étoiles furent visibles. Tout le reste fut plongé dans la plus grande obscurité. Le ciel devint absolument noir.

« Une horreur me prit de ces grandes ténèbres. Le froid, qui me pénétrait jusqu’aux moelles, et la souffrance que me causait chacune de mes respirations eurent raison de moi. Je frissonnai et une nausée mortelle m’envahit. Alors, comme un grand arc rouge, réapparut au ciel le contour du disque solaire. Je descendis de Machine pour reprendre mes sens, car je me sentais engourdi et incapable d’affronter le retour. Tandis que j’étais là, mal à l’aise et étourdi, je vis de nouveau, contre le fond rougeâtre de la mer, l’objet qui remuait sur le banc de sable — il n’y avait plus maintenant de méprise possible, c’était bien quelque chose d’animé — une chose ronde de la grosseur d’un ballon de jeu à peu près, ou peut-être un peu plus gros, avec des tentacules traînant par derrière, qui paraissait noire contre le bouillonnement rouge-sang de la mer, et sautillait gauchement de-ci de-là. À ce moment je me sentis presque défaillir. Mais la peur terrible de rester privé de secours dans ce crépuscule reculé et épouvantable me donna des forces suffisantes pour regrimper sur la selle.