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XV

LE RETOUR DE L’EXPLORATEUR


« Et c’est ainsi que je revins. Je dus rester pendant longtemps insensible sur la Machine. La succession clignotante des jours et des nuits reprit, le soleil resplendit à nouveau et le ciel redevint bleu. Je respirai plus aisément. Les contours flottants de la contrée crûrent et décrûrent. Les aiguilles sur les cadrans tournaient à rebours. Enfin je vis à nouveau de vagues ombres de maisons, des traces de l’humanité décadente qui elles aussi changèrent et passèrent pendant que d’autres leur succédaient. Après quelque temps, lorsque le cadran des millions fut à zéro, je ralentis la vitesse et je pus reconnaître notre chétive architecture familière ; l’aiguille des milliers revint à son point de départ ; le jour et la nuit alternèrent plus lentement. Puis, les vieux murs du laboratoire m’entourèrent. Alors très doucement je ralentis encore le mécanisme.

« J’observai un petit fait qui me sembla bizarre. Je crois vous avoir dit que lors de mon départ et avant que ma vitesse ne fût très grande, la femme de charge avait traversé la pièce comme une fusée, me semblait-il. À mon retour, je passai par cette minute exacte où elle avait traversé le laboratoire. Mais cette fois chacun de ses mouvements parut être exactement l’inverse des précédents. Elle entra par la porte du bas-bout, et elle glissa tranquillement à travers le laboratoire, dans le sens contraire, et disparut derrière la porte par où elle était auparavant entrée. Un instant avant il m’avait semblé voir Hillyer ; mais il passa comme un éclair.