Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/92

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rappelle m’être glissé sans bruit dans la grande salle où les petits êtres dormaient au clair de lune — cette nuit-là, Weena était parmi eux — et m’être senti rassuré par leur présence. Il me vint en ce moment à l’esprit que dans très peu de jours la lune serait nouvelle et plus nombreuses les apparitions de ces déplaisantes créatures souterraines, de ces blêmes lémuriens, de cette nouvelle vermine qui avait remplacé l’ancienne.

« Pendant ces deux jours, j’eus la continuelle impression de quelqu’un qui élude une inévitable corvée. J’avais la ferme assurance que je rentrerais en possession de la Machine en pénétrant hardiment dans ces mystérieux souterrains. Cependant je ne pouvais me résoudre à affronter ce mystère. Si seulement j’avais eu un compagnon, c’eût été différent ; mais j’étais si horriblement seul que l’idée de descendre dans l’obscurité du puits m’épouvantait. Je ne sais pas si vous comprenez mon état, mais je sentais continuellement un danger derrière mon dos.

« C’était cette incessante inquiétude, cette insécurité qui peut-être m’entraînait de plus en plus loin dans mes explorations. En allant au sud, vers la contrée montueuse qui s’appelle maintenant Combe Wood, je remarquai, au loin dans la direction de l’actuel Banstead, une vaste construction verte, d’un genre différent de celles que j’avais vues jusqu’alors. Elle était plus grande que les plus grands des palais et des ruines que je connaissais ; la façade avait un aspect oriental avec le lustre, d’un gris pâle, une sorte de gris bleuté, d’une certaine espèce de porcelaine de Chine. Cette