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la guerre des mondes

avec une horreur nouvelle, je vis un objet rond et noir s’agiter au bord du talus. C’était la tête du boutiquier qui était tombé dans le sable, et cette tête semblait un petit point noir contre les flammes du ciel occidental. Il parvint à sortir une épaule et un genou, et il parut retomber de nouveau jusqu’à ce que sa tête seule fût visible. Soudain il disparut et je m’imaginai qu’un faible cri venait jusqu’à moi. J’eus une impulsion momentanée d’aller à son aide, que mes craintes dominèrent.

Tout devint alors invisible, caché dans le trou profond et le tas de sable que la chute du cylindre avait amoncelé. Quiconque serait venu par la route de Chobham ou de Woking eût été fort étonné de voir une centaine de gens environ, cachés en un grand cercle irrégulier dans des fossés, derrière des buissons, des barrières, des haies, qui ne se parlaient que par cris brefs et rapides, et les yeux fixés obstinément sur quelques tas de sable. La brouette de provisions, épave baroque, était restée sur le talus, noire contre le ciel en feu, et dans le chemin creux était une rangée de véhicules abandonnés, dont les chevaux frappaient de leurs sabots le sol, ou achevaient leur pitance d’avoine dans leurs musettes.



v

LE RAYON ARDENT


Après le coup d’œil que j’avais pu jeter sur les Marsiens, émergeant du cylindre dans lequel ils étaient venus de leur planète sur la Terre, une sorte de fascination paralysa mes actions. Je demeurai là, enfoncé jusqu’aux genoux dans la