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mercvre de france—xii-1899

bruyère, les yeux fixés sur le monticule qui les cachait. En moi la crainte et la curiosité se livraient bataille.

Je n’osais pas retourner directement vers le trou, mais j’avais l’ardent désir de voir ce qui s’y passait. Je m’avançai donc, décrivant une grande courbe, cherchant les points avantageux, observant continuellement les tas de sable qui dérobaient aux regards ces nouveaux arrivants sur notre planète. Une fois, un fouet de minces lanières noires passa rapidement devant le soleil couchant et disparut aussitôt, et ensuite une légère tige éleva ses articulations, l’une après l’autre, au sommet desquelles un disque circulaire se mit à tourner avec un mouvement irrégulier. Que se passait-il donc dans ce trou ?

La plupart des spectateurs s’étaient rassemblés en un ou deux groupes — l’un, une petite troupe du côté de Woking, l’autre, une bande de gens dans la direction de Chobham. Évidemment ils partageaient le même conflit mental. Il n’y avait autour de moi que quelques personnes. Je passai près d’un homme qui était un de mes voisins bien que je ne connusse pas son nom — et il m’arrêta. Mais ce n’était guère le moment pour une conversation bien nette.

— Quelles vilaines brutes ! dit-il. Bon Dieu ! quelles vilaines brutes !

Il répéta cela à plusieurs reprises.

— Avez-vous vu quelqu’un tomber dans ce trou ? demandai-je.

Mais il ne me fit aucune réponse ; nous restâmes silencieux et attentifs pendant un long moment, côte à côte, trouvant, j’imagine, un certain réconfort à notre mutuelle compagnie. Alors, je changeai de place, m’installant sur un renflement de terrain