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Page:Mercure de France - 1899 - Tome 32.djvu/602

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la guerre des mondes

s’éleva hors du trou et une sorte de rayon lumineux en sortit en tremblotant.

Aussitôt des jets de réelle flamme, des lueurs brillantes sautant de l’un à l’autre, jaillirent du groupe d’hommes dispersés. On eût dit que quelque invisible jet se heurtait contre eux et que du choc naissait une flamme blanche. Il semblait que chacun d’eux fût soudain et momentanément changé en flamme.

Alors, à la clarté de leur propre destruction, je les vis chanceler et s’affaisser et ceux qui les suivaient s’enfuir en courant.

Je demeurai stupéfait, ne comprenant pas encore que c’était là la mort sautant d’un homme à un autre dans cette petite troupe éloignée. J’avais seulement l’impression que c’était quelque chose d’étrange, un jet de lumière presque sans bruit et aveuglant, après lequel un homme s’affaissait inanimé, et quand l’invisible trait ardent passait sur eux, les pins flambaient et tous les buissons de genêts secs avec un bruit sourd s’enflammaient. Dans le lointain, vers Knaphill, j’apercevais les lueurs soudaines d’arbres, de haies et de chalets de bois qui prenaient feu.

Rapidement et régulièrement, cette mort flamboyante, cette invisible, inévitable épée de flamme, décrivait sa courbe. Je m’aperçus qu’elle venait vers moi aux buissons enflammés qu’elle touchait, et j’étais trop effrayé et stupéfié pour bouger. J’entendis les crépitements du feu dans les carrières et le soudain hennissement de douleur d’un cheval qui fut immobilisé aussitôt. Il semblait qu’un doigt invisible et pourtant intensément brûlant était tendu à travers la bruyère entre les Marsiens et moi ; et tout au long d’une ligne courbe au-delà des car-