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mercvre de france—xii-1899

me un jour de répit. Ce fut aussi un jour de lassitude, lourd et étouffant, avec, m’a-t-on dit, de rapides fluctuations du baromètre. J’avais peu dormi, encore que ma femme eût réussi à le faire, et je me levai de bonne heure. Avant le déjeuner, je descendis dans le jardin et j’écoutai : mais rien d’autre que le chant d’une alouette ne venait de la lande.

Le laitier passa comme d’habitude. J’entendis le bruit de son chariot et j’allai jusqu’à la barrière pour avoir de lui les dernières nouvelles. Il me dit que pendant la nuit les Marsiens avaient été cernés par des troupes et qu’on attendait des canons. Alors, comme une note familière et rassurante, j’entendis un train qui traversait Woking.

— On tâchera de ne pas les tuer, dit le laitier, si on peut l’éviter sans trop de difficultés.

J’aperçus mon voisin qui jardinait et je devisai un instant avec lui, avant de rentrer pour déjeuner. C’était une matinée des plus ordinaires. Mon voisin émit l’opinion que les troupes pourraient, ce jour-là, détruire ou capturer les Marsiens.

— Quel malheur qu’ils se rendent si peu approchables, dit-il. Il serait curieux de savoir comment on vit sur une autre planète ; on pourrait en apprendre quelque chose.

Il vint jusqu’à la haie et m’offrit une poignée de fraises, car il était aussi généreux que fier des produits de son jardin. En même temps, il me parla de l’incendie des bois de pins, au-delà des prairies de Byfleet.

— On prétend, dit-il, qu’il est tombé par là une autre de ces satanées choses — le numéro deux. Mais il y en a assez d’une, à coup sûr. Cette affaire-là va coûter une jolie somme aux compagnies d’assurances, avant que tout soit remis en place.