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mercvre de france—xii-1899

colline cachait complètement la fumée noire. D’un coup de fouet, j’enlevai le cheval, lui lâchant les rênes jusqu’à ce que Woking et Send fussent entre nous et tout ce tumulte. Entre ces deux localités, j’avais rattrapé et dépassé la voiture du docteur.



x

EN PLEINE MÊLÉE


Leatherhead est à environ douze milles de Maybury Hill. L’odeur des foins emplissait l’air ; au long des grasses prairies au-delà de Pyrford et de chaque côté, les haies étaient revêtues de la douceur et de la gaieté de multitudes d’aubépines. La sourde canonnade qui avait éclaté tandis que nous descendions la route de Maybury avait cessé aussi brusquement qu’elle avait commencé, laissant le crépuscule paisible et calme. Nous arrivâmes sans mésaventure à Leatherhead vers neuf heures, et le cheval eut une heure de repos, tandis que je soupais avec mes cousins et recommandais ma femme à leurs soins.

Ma femme était restée silencieuse pendant tout le voyage et paraissait oppressée de mauvais pressentiments. Je m’efforçai de la rassurer, insistant sur le fait que les Marsiens étaient retenus dans leur trou par leur excessive pesanteur, qu’ils ne pourraient, à tout prendre, que se glisser à quelques pas à l’entour de leur cylindre ; mais elle ne répondit que par monosyllabes. Si ce n’avait été ma promesse à l’hôtelier, elle m’aurait, je crois, supplié de demeurer à Leatherhead cette nuit-là. Que ne l’ai-je donc fait ! Son visage, je me souviens, était affreusement pâle quand nous nous séparâmes.