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la guerre des mondes

de la montée. Un soudain tourbillon de fumée parcourant la route le cacha pendant un moment. Je courus jusqu’à la porte de mon voisin, frappai par acquit de conscience, car je savais que sa femme et lui étaient partis pour Londres et qu’ils avaient fermé leur maison. J’entrai de nouveau chez moi, car j’avais promis à la servante d’aller chercher sa malle et je la ramenai dehors, la casai auprès d’elle sur l’arrière du dogcart ; puis je pris les rênes et sautai sur le siège à côté de ma femme. En un instant nous étions hors de la fumée et du bruit et descendions vivement la pente opposée de la colline de Maybury, vers Old Woking.

Devant nous s’étendait un tranquille paysage ensoleillé, des champs de blé de chaque côté de la route et l’auberge de Maybury avec son enseigne oscillante. J’aperçus la voiture du docteur devant nous. Au pied de la colline, je tournai la tête pour jeter un coup d’œil sur ce que je quittais. D’épais nuages de fumée noire, coupés de longues flammes rouges, s’élevaient dans l’air tranquille et projetaient des ombres obscures sur les cimes vertes des arbres, vers l’Est. La fumée s’étendait déjà fort loin, jusqu’aux bois de sapins de Byfleet vers l’est et jusqu’à Woking à l’ouest. La route était pleine de gens accourant vers nous. Très affaibli maintenant, mais très distinct à travers l’air tranquille et lourd, on entendait le bourdonnement d’un canon qui cessa tout d’un coup et les détonations intermittentes des fusils. Apparemment les Marsiens mettaient le feu à tout ce qui se trouvait à portée de leur Rayon Ardent.

Je ne suis pas un cocher expert, et il me fallut bien vite donner toute mon attention au cheval. Quand je me tournai une fois encore, la seconde