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mercvre de france—xii-1899

menaçant qui s’amoncelaient se mêlaient là aux masses de fumée noire et rougeâtre.

La grand’rue de Ripley était déserte, et à part une ou deux fenêtres éclairées, le village n’indiquait aucun autre signe de vie ; mais je faillis causer un accident au coin de la route de Pyrford où un groupe de gens se trouvaient, me tournant le dos. Ils ne m’adressèrent pas la parole quand je passai, et je ne pus par conséquent savoir s’ils connaissaient les événements qui se produisaient au delà de la colline, si les maisons devant lesquelles je passais étaient désertées et vides, si des gens y dormaient tranquillement ou si, harassés, ils épiaient les terreurs de la nuit.

De Ripley jusqu’à Pyrford, il me fallait traverser un vallon du fond duquel je ne pouvais apercevoir les reflets de l’incendie. Comme j’arrivais au haut de la côte, après l’église de Pyrford, les lueurs reparurent, et les arbres furent agités des premiers frémissements de l’orage. J’entendis alors minuit sonner derrière moi au clocher de Pyrford ; puis la silhouette des coteaux de Maybury, avec leurs cimes de toits et d’arbres, se détacha noire et nette contre le ciel rouge.

Au même moment, une sinistre lueur verdâtre éclaira la route devant moi, laissant voir dans la distance les bois d’Addlestone. Le cheval donna une secousse aux rênes. Je vis les nuages rapides percés, pour ainsi dire, par un ruban de flamme verte qui illumina soudain leur confusion et vint tomber au milieu des champs, à ma gauche. C’était le troisième projectile.

Immédiatement après sa chute, et d’un violet aveuglant, par contraste, le premier éclair de l’orage menaçant dansa dans le ciel et le tonnerre résonna