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la guerre des mondes

longuement au-dessus de ma tête. Le cheval prit le mors aux dents et s’emballa.

Une pente modérée descend jusqu’au pied de Maybury Hill et nous la descendîmes à une vitesse vertigineuse. Une fois que les éclairs eurent commencé, ils se succédèrent avec une rapidité inimaginable ; les coups de tonnerre, se suivant sans interruption avec d’effrayants craquements, semblaient bien plutôt produits par une gigantesque machine électrique que par un orage ordinaire. Ses rapides scintillements étaient aveuglants et des rafales de fine grêle me fouettaient le visage.

D’abord, je ne regardai guère que la route devant moi ; puis, tout à coup, mon attention fut arrêtée par quelque chose qui descendait rapidement la pente opposée de Maybury Hill ; je crus voir le toit humide d’une maison, mais un éclair me permit de constater que la chose était douée d’un vif mouvement rotatif. Ce devait être une illusion d’optique — tour à tour d’effarantes ténèbres et d’éblouissantes clartés troublaient la vue. Puis la masse rougeâtre de l’Orphelinat, presque au sommet de la colline, les cimes vertes des pins et ce problématique objet apparurent clairs, nets et brillants.

Quel spectacle ! Comment le décrire ? Un monstrueux tripode, plus haut que plusieurs maisons, enjambait les jeunes sapins et les écrasait dans sa course ; un engin mobile, de métal étincelant, s’avançait à travers les bruyères ; des câbles d’acier, articulés, pendaient aux côtés et l’assourdissant tumulte de sa marche se mêlait au vacarme du tonnerre. Un éclair le dessina vivement, en équilibre sur un de ses appendices, les deux autres en l’air, disparaissant et réapparaissant presque instan-