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la guerre des mondes

les ténèbres, un homme vint se heurter contre moi et m’envoya chanceler en arrière.

Il poussa un cri de terreur, fit un bond de côté, et prit sa course à toutes jambes avant que j’eusse pu me reconnaître et lui adresser la parole. Si grande était la violence de l’orage à cet endroit que j’avais une peine infinie à remonter la colline. Je m’abritai enfin contre la palissade à gauche et, m’y cramponnant, je pus avancer plus rapidement.

Vers le haut, je trébuchai sur quelque chose de mou, et à la lueur d’un éclair je vis à mes pieds un tas de gros drap noir et une paire de bottes. Avant que j’eusse pu distinguer plus clairement dans quelle position l’homme se trouvait, l’obscurité était revenue. Je demeurai immobile, attendant le prochain éclair. Quand il vint, je vis que c’était un homme assez corpulent, simplement mais proprement mis. La tête était ramenée sous le corps, et il gisait là, tout contre la palissade, comme s’il avait été violemment projeté contre elle.

Surmontant la répugnance naturelle à quelqu’un qui jamais auparavant n’avait touché un cadavre, je me penchai et le tournai afin d’écouter si son cœur battait. Il était bien mort. Apparemment, les vertèbres du cou étaient rompues. Un troisième éclair survint et je pus distinguer ses traits. Je sursautai. C’était l’hôtelier du Chien-Tigré auquel j’avais enlevé son moyen de fuir.

Je l’enjambai doucement et continuai mon chemin. Je pris par le poste de police et College Arms, pour gagner ma maison. Rien ne brûlait au flanc de la colline, quoiqu’il montât encore de la lande, avec des reflets rouges, de tumultueuses volutes de fumée, incessamment rabattues par la grêle abondante.