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mercvre de france—xii-1899

que ma stupéfaction me permît de me relever contre le talus dans une position plus sèche, et de songer au péril imminent.

Non loin de moi, dans un petit champ de pommes de terre, se trouvait une cabane en bois ; je parvins à me relever, puis, courbé en profitant du moindre abri, je l’atteignis en hâte. Je frappai à la porte, mais personne — s’il était quelqu’un à l’intérieur — ne m’entendit et au bout d’un instant j’y renonçai ; en suivant un fossé je parvins, à demi rampant et sans être aperçu des monstrueuses machines, jusqu’au bois de sapins.

À l’abri, maintenant, je continuai ma route, trempé et grelottant, jusqu’à ma maison. J’avançais entre les troncs, tâchant de retrouver le sentier. Il faisait très sombre dans le bois, car les éclairs devenaient de moins en moins fréquents et la grêle, qui pleuvait à torrents, tombait en colonnes épaisses à travers les interstices des branchages.

Si je m’étais pleinement rendu compte de la signification de toutes les choses que j’avais vues, j’aurais dû immédiatement essayer de retrouver mon chemin par Byfleet vers Chobham et aller ainsi rejoindre ma femme à Leatherhead. Mais, cette nuit-là, l’étrangeté des choses qui survenaient et mon misérable état physique m’ahurissaient, car j’étais meurtri, accablé, trempé jusqu’aux os, assourdi et aveuglé par l’orage.

J’avais la vague idée de rentrer chez moi et ce fut un mobile suffisant pour me déterminer. Je trébuchai au milieu des arbres, tombai dans un fossé, me cognai le genou contre un pieu, et finalement barbotai dans le chemin qui descend de College Arms. Je dis : barbotai, car des flots d’eau coulaient, entraînant le sable en un torrent boueux. Là, dans