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mercvre de france—xii-1899

formes oblongues. Je m’aperçus alors que c’étaient des débris d’un train, l’avant brisé et en flammes, les wagons d’arrière encore sur les rails.

Entre ces trois principaux centres de lumière, les maisons, le train, et la contrée incendiée vers Chobham, s’étendaient des espaces irréguliers de campagne sombre interrompus ici et là par des intervalles de champs fumant et brûlant faiblement ; c’était un fort étrange spectacle, cette étendue noire, coupée de flammes, qui rappelait plus qu’autre chose les fourneaux des verreries dans la nuit. D’abord je ne pus distinguer la moindre personne vivante, bien que je fusse très attentionné à en découvrir. Plus tard j’aperçus contre la clarté de la gare de Woking un certain nombre de formes noires traverser en hâte la ligne les unes derrière les autres.

Ce chaos ardent, c’était le petit monde dans lequel j’avais vécu en sécurité pendant des années ! Ce qui s’était produit pendant ces sept dernières heures, je ne le savais pas encore et j’ignorais, bien qu’un peu de réflexion m’eût permis de le deviner, quelle relation existait entre ces colosses mécaniques et les êtres indolents et massifs que j’avais vu le cylindre vomir. Avec un bizarre sentiment d’intérêt impersonnel, je tournai mon fauteuil vers la fenêtre et contemplai la contrée obscure et particulièrement les trois gigantesques choses noires qui allaient et venaient, à la clarté des flammes, autour des carrières.

Elles semblaient extraordinairement affairées. Je commençai à me demander ce qu’elles pouvaient bien être. Étaient-ce des mécanismes intelligents ? Une pareille chose, je le savais, était impossible. Ou bien un Marsien était-il installé à l’intérieur de chacun, le gouvernant, le dirigeant, s’en servant