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la guerre des mondes

à la façon dont un cerveau d’homme gouverne et dirige son corps ? Je cherchai à comparer ces choses à des machines humaines, à me demander, pour la première fois de ma vie, quelle idée pouvait se faire d’une machine à vapeur ou d’un cuirassé, un animal inférieur intelligent.

L’orage avait débarrassé le ciel, et par-dessus la fumée de la campagne incendiée, Mars, comme un petit point, brillait d’une lueur affaiblie en descendant vers l’ouest. Tout à coup un soldat entra dans le jardin. J’entendis un léger bruit contre la palissade et, sortant de l’espèce de léthargie dans laquelle j’étais plongé, je regardai et je l’aperçus vaguement, escaladant la clôture. À la vue d’un être humain, ma torpeur disparut et je me penchai vivement à la fenêtre.

— Psstt, fis-je aussi doucement que je pus.

Il s’arrêta, surpris, à cheval sur la palissade. Puis il descendit et traversa la pelouse jusqu’au coin de la maison ; il courbait l’échine et marchait avec précaution.

— Qui est là ? demanda-t-il, à voix basse aussi, debout sous la fenêtre et regardant en l’air.

— Où allez-vous ? questionnai-je.

— Du diable si je le sais !

— Vous cherchez à vous cacher ?

— Justement !

— Entrez dans la maison, dis-je.

Je descendis, débouclai la porte, le fis entrer, la bouclai de nouveau. Je ne pouvais voir sa figure. Il était nu-tête et sa tunique était déboutonnée.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! s’exclamait-il, comme je lui montrais le chemin.

— Qu’est-il arrivé ? lui demandai-je.

— Tout et le reste !