Page:Mercure de France - 1899 - Tome 32.djvu/639

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
640
mercvre de france—xii-1899

l’artilleur, de son allure déhanchée il se dirigea vers le bois de sapins consumés qui abritait le second cylindre. Comme il s’éloignait, un second Titan étincelant surgit tout agencé hors du trou.

Le second monstre suivit le premier ; alors l’artilleur parvint à se dégager et se traîna avec précaution à travers les cendres brûlantes des bruyères vers Horsell. Il réussit à parvenir vivant jusqu’au fossé qui bordait la route, et put s’échapper ainsi jusqu’à Woking. — Ici son récit devint à chaque instant coupé d’exclamations. — L’endroit était inabordable. Fort peu de gens, semble-t-il, y étaient demeurés vivants, affolés pour la plupart et couverts de brûlures. L’incendie l’obligea à faire un détour et il se coucha parmi les décombres d’un mur calciné au moment où l’un des géants Marsiens revenait sur ses pas. Il le vit poursuivre un homme, l’enlever dans un de ses tentacules d’acier, et lui briser la tête contre le tronc d’un sapin. Enfin, à la tombée de la nuit, l’artilleur risqua une course folle et arriva jusque sur les quais de la gare. Depuis ce moment, il avait avancé furtivement le long de la voie dans la direction de Maybury, dans l’espoir d’échapper au danger en se rapprochant de Londres. Beaucoup de gens étaient blottis dans des fossés et dans des caves, et le plus grand nombre des survivants s’étaient enfuis vers le village de Woking et vers Send. La soif le dévorait : enfin, près du pont du chemin de fer, il trouva une des grosses conduites crevée d’où l’eau jaillissait en bouillonnant sur la route, comme une source.

Tel était le récit que j’obtins de lui, fragment par fragment. Peu à peu, il s’était calmé en me racontant ces choses et en essayant de me dépeindre exactement les spectacles auxquels il avait assisté. Il n’avait