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Page:Mercure de France - 1899 - Tome 32.djvu/648

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la guerre des mondes

instant s’était rassemblée dans la gare et les environs et que les quais fourmillants étaient encombrés de malles et de ballots innombrables. On avait, je crois, arrêté le mouvement des trains afin de procéder au transport des troupes et des canons, et j’ai su depuis qu’une lutte sauvage avait eu lieu quand il s’était agi de trouver place dans les trains spéciaux organisés plus tard.

Nous restâmes à Weybridge jusqu’à midi, et à cette heure nous nous trouvâmes à l’endroit où, près de l’écluse de Shepperton, la Wey se jette dans la Tamise. Nous employâmes une partie de notre temps en aidant deux vieilles femmes à charger une petite voiture. La Wey a trois bras à son embouchure et il y a là un grand nombre de loueurs de bateaux, et de plus un bac qui traverse la rivière. Du côté de Shepperton se trouvait une auberge avec, sur le devant, une pelouse ; et, au-delà, la tour de l’église – on l’a depuis remplacée par un clocher – s’élevait par-dessus les arbres.

Là se pressait, surexcitée et bruyante, une foule de fugitifs. Jusqu’ici la fuite n’était pas encore devenue une panique, mais il y avait déjà beaucoup plus de monde que les bateaux ne parviendraient à en traverser. Des gens arrivaient chancelant sous de lourds fardeaux. Deux personnes même, le mari et la femme, s’avançaient avec une petite porte de cabane sur laquelle ils avaient entassé tout ce qu’ils avaient pu trouver d’objets domestiques. Un homme nous confia qu’il allait essayer de se sauver en prenant le train à la station de Shepperton.

On n’entendait partout que des cris, et quelques farceurs même plaisantaient. L’idée que semblaient avoir les habitants de l’endroit, c’était que les