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Page:Mercure de France - 1899 - Tome 32.djvu/652

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la guerre des mondes

l’entrée du village de Shepperton, il reprit toute sa hauteur. Immédiatement, les six canons de la rive droite qui, ignorés de tous, avaient été dissimulés à l’extrémité du village firent feu tous ensemble. Les détonations si proches et soudaines, presque simultanées, me firent tressaillir. Le monstre élevait déjà l’étui générateur du Rayon Ardent, quand le premier obus éclata à six mètres au-dessus de sa tête.

Je poussai un cri d’étonnement. Je ne pensais plus aux quatre autres monstres : mon attention était rivée sur cet incident si rapproché. Simultanément deux autres obus éclatèrent en l’air, mais près du corps du Marsien, au moment où la tête se tortillait juste à temps pour recevoir, et trop tard pour esquiver, un quatrième obus. Celui-ci éclata en plein contre la tête du monstre. L’espèce de capuchon de métal fut crevé, éclata et alla tournoyer dans l’air en une douzaine de fragments de métal brillant et de lambeaux de chair rougeâtre.

— Touché !

Ce fut mon seul cri, quelque chose entre une acclamation et un hurlement.

J’entendis des cris répondant au mien, poussés par les gens qui étaient dans l’eau autour de moi. Je fus, dans cet instant de passagère exultation, sur le point d’abandonner mon refuge.

Le colosse décapité chancela comme un géant ivre ; mais il ne tomba pas. Par un véritable miracle, il recouvra son équilibre, et sans plus prendre garde où il allait, l’étui générateur du Rayon Ardent maintenu rigide en l’air, il s’élança rapidement dans la direction de Shepperton. L’intelligence vivante, le Marsien qui habitait la tête, avait été tué et lancé aux quatre vents du ciel, et la chose n’était