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Page:Mercure de France - 1899 - Tome 32.djvu/653

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mercvre de france—xii-1899

plus maintenant qu’un simple assemblage de mécanismes compliqués tournoyant vers la destruction. Il s’avançait, suivant une ligne droite, incapable de se guider. Il heurta la tour de l’église de Shepperton et la démolit, comme le choc d’un bélier aurait pu le faire ; il fut jeté de côté, trébucha, et s’écroula dans la rivière avec un fracas formidable.

Une violente explosion ébranla l’atmosphère, et une trombe d’eau, de vapeur, de vase, et d’éclats de métal bondit dans l’air à une hauteur considérable. Au moment où l’étui du Rayon Ardent avait touché l’eau, celle-ci avait incontinent jailli en vapeur. Un instant après, une vague immense, comme un mascaret vaseux mais presque bouillant, contourna le coude de la rive et remonta le courant. Je vis des gens s’efforcer de regagner les bords et j’entendis vaguement, par-dessus le grondement et le bouillonnement que causait la chute du Marsien, leurs cris et leurs clameurs.

Pour le moment, je ne pris point garde à la chaleur et oubliai même tout instinct de conservation. Je barbotai au milieu des eaux tumultueuses, poussant les gens de côté pour aller plus vite, jusqu’à ce que je pusse voir ce qui se passait dans l’autre bras de la rivière. Une demi-douzaine de bateaux chavirés dansaient au hasard sur la confusion des vagues. J’aperçus enfin, plus bas, en plein courant, le Marsien tombé en travers du fleuve et en grande partie submergé.

D’énormes jets de vapeur s’échappaient de l’épave et, à travers leurs tourbillons tumultueux, je pouvais voir d’une façon intermittente et vague les membres gigantesques battre le flot et lancer dans l’air d’immenses gerbes d’eau et d’écume vaseuses. Les tentacules s’agitaient et frappaient comme des