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mercvre de france—xii-1899

seraient certainement tombés sur la capitale avant l’annonce de leur approche ; leur arrivée eût été aussi soudaine, aussi terrible et funeste que le tremblement de terre qui détruisit Lisbonne.

Mais ils n’éprouvaient sans doute aucune hâte. Un par un, les cylindres se suivaient dans leur course interplanétaire ; chaque vingt-quatre heures leur amenait des renforts. Pendant ce temps les autorités militaires et navales, se rendant pleinement compte de la formidable puissance de leurs antagonistes, se préparaient à la défense avec une fiévreuse énergie. On disposait incessamment de nouveaux canons, si bien qu’avant le soir chaque taillis, chaque groupe de villas suburbaines, étagés aux flancs des collines des environs de Richmond et de Kingston, masquaient de noires et menaçantes bouches à feu. Dans l’espace incendié et désolé — en tout peut-être une trentaine de kilomètres carrés — qui entourait le campement des Martiens, sur la lande de Horsell, à travers les ruines et les décombres des villages, les arcades calcinées et fumantes, qui, un jour seulement auparavant, avaient été des bosquets de sapins, se glissaient d’intrépides éclaireurs munis d’héliographes pour avertir les canonniers de l’approche des Marsiens. Mais les Marsiens connaissaient maintenant la portée de notre artillerie et le danger de toute proximité humaine, et nul ne s’aventura qu’au prix de sa vie dans un rayon d’un mille autour des cylindres.

Il paraît que ces géants passèrent une partie de l’après-midi à aller et venir, transportant le matériel des deux autres cylindres — le second tombé dans les pâturages d’Addlestone, et le troisième à Pyrford — à leur place primitive sur la lande d’Horsell. Au-dessus des bruyères incendiées et