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la guerre des mondes

nement empanaché d’écume. Je me précipitai du côté du bord.

Presque au même instant, l’énorme vague, presque en ébullition, fondait sur moi. Je poussai un cri de douleur, et échaudé, à demi aveuglé, agonisant, je m’avançai jusqu’à la rive en chancelant, à travers l’eau bondissante et sifflante. Si j’avais fait un faux pas, c’eût été la fin. J’allai choir, épuisé, en pleine vue des Marsiens, sur une langue de sable, large et nue, qui se trouvait au confluent de la Wey et de la Tamise. Je n’espérais rien que la mort.

J’ai le vague souvenir du pied d’un Marsien qui vint se poser à vingt mètres de ma tête, s’enfonça dans le sable fin en le lançant de tous côtés, et se souleva de nouveau ; d’un long répit, puis des quatre monstres, emportant les débris de leur camarade, tour à tour vagues et distincts à travers les nuages de fumée et reculant interminablement, me semblait-il, à travers une étendue immense d’eau et de prairies.

Puis, très lentement, je me rendis compte que par miracle j’avais échappé.



xiii

PAR QUEL HASARD JE RENCONTRAI LE VICAIRE


Après avoir donné aux humains cette brutale leçon sur la puissance de leurs armes, les Marsiens regagnèrent leur première position sur la lande de Horsell, et dans leur hâte — encombrés des débris de leur compagnon — ils négligèrent sans doute plus d’une fortuite et inutile victime telle que moi. S’ils avaient abandonné leur camarade et, sur l’heure, poussé en avant, il n’y avait alors entre eux et Londres que quelques batteries de campagne, et ils