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mercvre de france—xii-1899

dome et à Gomorrhe ! Toute notre œuvre détruite, toute notre œuvre… Qui sont ces Marsiens ?

— Qui sommes-nous ? lui répondis-je, toussant pour dégager ma gorge embarrassée et sèche.

Il empoigna ses genoux, et tourna de nouveau ses yeux vers moi. Pendant une demi-minute, il me contempla sans rien dire.

— Je me promenais par les routes pour éclaircir mes idées, reprit-il, et tout à coup éclatèrent l’incendie, la destruction et la mort !

Il retomba dans le silence, son menton maintenant presque enfoncé entre ses genoux. Bientôt il reprit, en agitant sa main :

— Toute notre œuvre, toutes nos réunions pieuses ! Qu’avons-nous fait ? Quelles fautes a commises Weybridge ? Tout est perdu ! tout est détruit ! L’Église ! — il y a trois ans seulement que nous l’avions rebâtie ! — Détruite ! Emportée comme un fétu ! Pourquoi ? »

Il fit une autre pause, puis il éclata de nouveau comme un dément.

— La fumée de son embrasement s’élèvera sans cesse ! cria-t-il.

Ses yeux flamboyaient, et il étendit son doigt maigre dans la direction de Weybridge.

Je commençais maintenant à connaître ses mesures. L’épouvantable tragédie dont il avait été le spectateur — il était évidemment un fugitif de Weybridge — l’avait amené jusqu’aux dernières limites de sa raison.

— Sommes-nous loin de Sunbury ? lui demandai-je d’un ton naturel et positif.

— Qu’allons-nous devenir ? continua-t-il. Y a-t-il partout de ces créatures ? Le Seigneur leur a-t-il livré la Terre ?