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Page:Mercure de France - 1899 - Tome 32.djvu/662

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la guerre des mondes

— Sommes-nous loin de Sunbury ?

— Ce matin encore j’officiais à…

— Les temps sont changés, lui dis-je paisiblement. Il ne faut pas perdre la tête. Il y a encore de l’espoir.

— De l’espoir ?

— Oui, beaucoup d’espoir — malgré toute cette destruction !

Je commençai alors à lui expliquer mes vues sur la situation. Il m’écouta d’abord en silence, mais à mesure que je parlais l’intérêt qu’indiquait son regard fit de nouveau place à l’égarement et ses yeux se détournèrent de moi.

— Ce doit être le commencement de la fin, reprit-il en m’interrompant. La fin ! Le grand et terrible jour du Seigneur ! Lorsque les hommes imploreront les rochers et les montagnes de tomber sur eux et de les cacher — les cacher à la face de Celui qui est assis sur le Trône !

Je me rendis compte de la position. Renonçant à tout raisonnement sérieux, je me remis péniblement debout, et, m’inclinant vers lui, je lui posai la main sur l’épaule.

— Soyez un homme, dis-je. La peur vous a fait perdre la boussole. À quoi sert la religion si elle n’est d’aucun secours pendant la calamité ? Pensez un peu à ce que les tremblements de terre, les inondations, les guerres et les volcans ont fait aux hommes jusqu’à présent. Pourquoi voudriez-vous que Dieu eût épargné Weybridge ?… Il n’est pas agent d’assurances. »

Un instant il garda un silence effaré.

— Mais comment échapperons-nous ? demanda-t-il brusquement. Ils sont invulnérables. Ils sont impitoyables…