Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/413

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la cuisine, accotée contre la maison, avait été écrasée, et comme le jour entrait par là, il était évident que la plus grande partie de la maison s’était écroulée. Contrastant vivement avec ces ruines, le dressoir net et propre, teinté de vert pâle — le vernis à la mode — était resté debout avec un certain nombre d’ustensiles de cuivre et d’étain ; le papier peint imitait les carreaux de faïence bleus et blancs, et deux gravures autrefois coloriées flottait au mur de la cuisine, au-dessus du fourneau.

Quand l’aube devint plus claire, nous pûmes mieux distinguer, à travers la brèche du mur, le corps d’un Martien, en sentinelle, sans doute, auprès d’un cylindre encore étincelant. À cette vue, nous nous retirâmes à quatre pattes avec toutes les précautions possibles, hors de la demi-clarté de la cuisine, dans l’obscurité de la laverie.

Brusquement, me vint à l’esprit l’exacte interprétation de ces choses.

— Le cinquième cylindre, murmurai-je, le cinquième projectile de Mars est tombé sur la maison et l’a enterrée sous ses ruines.

Un instant le vicaire garda le silence, puis il murmura :

— Dieu aie pitié de nous !

Je l’entendis bientôt pleurnicher tout seul.

À part le bruit qu’il faisait, nous étions absolument tranquilles dans la laverie. Pour ma part, j’osais à peine respirer et je restais assis, les yeux fixés sur la faible clarté qu’encadrait la porte de la cuisine. J’apercevais juste la figure du vicaire, un ovale indistinct, son faux col et ses manchettes. Au-dehors commença un martèlement métallique, puis il y eut une sorte de cri violent et ensuite, après un intervalle de silence, un sifflement pareil à celui d’une