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LE POUVOIR RELIGIEUX AU THIBET

même, plus tard, d’une foule d’éléments empruntés aux sectes civaïtes-yoguistes, en un mot, en ne conservant guère de bouddhiste que le nom.

Sron-btsan-sgam-po et les princesses Dolkar et Doldjang, ses épouses sont encore, de nos jours, l’objet d’une profonde vénération. D’après une croyance populaire, leurs esprits désincarnés résident dans une statue représentant Avalokiteçvara, que l’on montre à Lhassa. En outre, Doldjang est tout particulièrement invoquée par les Thibétaines stériles qui souhaitent de devenir mères.

§

Le VIIIe siècle vit l’arrivée au Thibet d’un des plus extraordinaires personnages que mentionnent les légendes orientales : Padmasambhava. Les particularités véritables de sa vie ont si complètement disparu, sous les épisodes fantaisistes des innombrables récits dont il est le héros que certains orientalistes sont tentés de voir en lui un personnage purement mythique. Cependant, l’époque, relativement récente, assignée à sa prédication, les ouvrages philosophiques qui lui sont attribués semblent établir son existence réelle.

Padmasambhava est, d’après la légende, une émanation, un fils né de l’esprit du Bodhisatva Amitâbha. Il ne fut point conçu par une femme, mais sortit miraculeusement d’un lotus[1] dans le palais du roi d’Indrabhûti, souverain du pays d’Oudyâma. Sa jeunesse offre de nombreux points de ressemblance avec celle de Çakya-Muni. Comme celui-ci, il est destiné au trône ; il surpasse en intelligence tous les jeunes gens qui l’entourent ; il épouse une princesse d’une extraordinaire beauté et, malgré tous les biens dont il jouit, il veut renoncer au monde pour obéir à une voix intérieure qui le lui commande impérieusement. Toutefois — et c’est en cela qu’il diffère de Çakya-Muni — la recherche à laquelle il désire consacrer sa vie n’est pas uniquement celle du « savoir » (la bôdhi). Ce qui lui tient à cœur, c’est la conquête des

  1. C’est ce qu’exprime son nom sanskrit Padma-sambhaya.