Page:Mercure de France - 1904 - Tome 52.djvu/619

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
609
LE POUVOIR RELIGIEUX AU THIBET

dans la religion thibétaine, pour y faire prédominer les pratiques de sorcellerie.

Atisha et ses disciples luttèrent fortement contre cette tendance et parvinrent, jusqu’à un certain point, à ramener la population aux doctrines spirituelles… Ce fut pour peu de temps. Au XVIe siècle, non seulement les laïques mais la grande majorité des membres du clergé n’étaient plus préoccupés que de magie et les exercices du culte, la méditation, les sermons sur les textes bouddhiques avaient fait place à des parades grossières, des tours de prestidigitation et des jongleries de toutes natures par lesquels les prêtres affirmaient leurs relations avec le monde des démons et des dieux.

Ce fut alors que parut celui qui devait être le Luther de l’Église lamaïque, le fameux Tson-ka-pa.

Tson-ka-pa naquit vers 1355 dans la vallée des Oignons (vallée de Tson-ka)[1] près des rives du Lac Bleu, sur le territoire d’Amdo, en Mongolie. Érudit, connaissant à fond toutes les Écritures sacrées, passant pour entretenir un commerce surnaturel avec les Bouddhas et les Bodhisatvas, il se vit bientôt entouré de nombreux disciples. Il rompit alors ouvertement avec le clergé thibétain, censura ses mœurs et ses pratiques et s’éleva particulièrement contre le mariage des prêtres et la sorcellerie. Son vaste savoir le rendit victorieux dans toutes les controverses que ses adversaires voulurent engager avec lui. Il fonda, non loin de Lhassa, les monastères de Se-ran et de Ga-ldan et se chargea lui-même de la direction de ce dernier. La nouvelle secte prit le nom de « Secte de la Vertu ». Comme signe distinctif, Tson-ka-pa imposa à ses adeptes le bonnet jaune qui est, encore de nos jours, la coiffure des prêtres célibataires de l’Église lamaïque et les distingue de leurs collègues appartenant aux anciennes sectes, non réformées, qui portent

  1. D’où le surnom de Tson-ka-pa (natif de Tson-ka) sous lequel il est généralement connu. Les ouvrages sanskrits le nomment Aryamahâratna Sumatîkirti. Son nom de moine est, en thibétain, Je-rin-po-ce-blo-bzan-grags-pa.