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LE POUVOIR RELIGIEUX AU THIBET

gner, pour ne pas compromettre le succès de sa secte, à entrer en composition avec ses adversaires, les « bonnets rouges ». La grande autorité dont il jouissait permit, cependant, au saint abbé de Ga-ldan de grouper, sous son obédience, la majeure partie des communautés religieuses ; mais celles-ci, bien qu’elles gardent toujours le souvenir du réformateur et le bonnet jaune distinguant ses disciples, sont encore une fois revenues à leurs anciens errements, et la magie, sous ses formes les plus grossières, prédomine de nouveau au Thibet.

§

Bien que les Dalaï Lamas actuels prétendent être les successeurs, en ligne directe, de Tson-ka-pa — ce qui est d’ailleurs exact — ni la puissance temporelle qu’ils exercent, ni le caractère quasi-divin que l’on prête à leur personnalité ne leur ont été légués par leur illustre devancier.

Celui-ci fut, uniquement, un chef religieux. Les Thibétains le reconnaissaient pour un savant versé dans la connaissance des sciences profanes et des Écritures sacrées, un saint en relations familières avec les génies, les bodhisatvas et les plus éminents des docteurs défunts de l’Église lamaïque. Ils n’allèrent pas plus loin. Quelques disciples, plus enthousiastes, avancèrent, peut-être, timidement, que l’esprit d’un grand homme du passé ou d’un déva bienfaisant animait leur maître ; mais, de son vivant, Tson-ka-pa ne se vit jamais reconnaître officiellement une nature surhumaine. Au point de vue matériel, il ne détint jamais, non plus, le pouvoir suprême qui restait, de son temps, entre les mains du roi.

Ce fut vers 1439 que les moines du monastère de Potala[1], à Lhassa, déclarèrent, pour la première fois, que leur supérieur Ge-dun, neveu et disciple de Tson-ka-pa, possédait en lui l’esprit réincarné du Bodhisatva

  1. Cet immense et somptueux monastère, résidence actuelle des Dalaï Lamas, se trouve situé en dehors de Lhassa, sur une montagne nommée Pota-la. Le véritable nom du couvent est Nam-rgyal-cos-sde.