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Page:Mercure de France - 1914-07-16, tome 110, n° 410.djvu/30

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de renseigner clairement le lecteur sur le développement intellectuel des deux copistes. Que certains points de ce roman soient obscurs, c’est possible, mais, parlant de Bouvard et Pécuchet, le critique ne devrait jamais oublier que Flaubert se serait opposé de toutes ses forces à sa publication dans l’état où il fut livré à notre curiosité. Et les titres que possède le maître à notre respect et à notre admiration sont plus que suffisants pour que, s’il nous faut porter sur son œuvre inachevée un jugement qui ne peut être que conjectural, nous supposions, pour le fonder, le mieux et non le pire[1].

rené dumesnil.
  1. Au moment où cet article venait d’être composé. M. Ernest Seillière publiait chez Plon un volume sur Gustave Flaubert : Le Romantisme des Réalistes. Un chapitre de cet ouvrage remarquable est consacré au « caractère mystique de la conception du « Garçon », au Dictionnaire des Idées reçues et à Bouvard et Pécuchet. M. Seillière remarque « qu’une fois, jeté le premier feu de sa verve satirique, Flaubert prête à ses héros des opinions toujours bourgeoises, certes, mais néanmoins intelligentes, ou même pénétrantes. » Il note que Bouvard et Pécuchet sont bien souvent, dans leurs appréciations dénigrantes, les véritables porte-paroles de l’auteur, et qu’après avoir étudié les philosophes, « leur supériorité intellectuelle sur leur entourage bas-normand éclate aux yeux surpris du lecteur ». M. Seillière conclut qu’ils en viennent à exprimer les opinions de celui qui les fait parler, sans aucune nuance d’ironie ou de parodie — et que, peut-être le « Garçon » faisait-il quelquefois de même.