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Page:Mercure de France - 1er septembre 1920, tome 142, n° 533.djvu/13

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bolchévisme était, essentiellement, un mouvement profondément réactionnaire, constituait même un pas en arrière sur Nicolas II, car, très rapidement, les Bolchéviks comprirent que les méthodes de Nicolas II ne pouvaient leur suffire et qu’il leur était nécessaire d’adopter la sagesse gouvernementale de Nicolas Ier, voire même d’Araktcheieff. Le mot liberté est devenu pour eux le mot le plus haïssable. Ils ont vite compris qu’ils n’avaient pas à gouverner un pays libre, que le pays libre ne serait pas avec eux comme il n’avait jamais été avec Nicolas Ier, ni avec Alexandre III, ni avec Nicolas II. Pour un Français ou pour un Anglais une telle situation semblerait tout à fait inadmissible : le Français ou l’Anglais sait parfaitement qu’il ne saurait y avoir rien de bon dans un pays où il n’y a pas de liberté. Mais les Bolchéviks russes, éduqués par le régime tsariste d’asservissement, n’ont parlé de liberté que tant que le pouvoir était entre les mains de leurs adversaires. Mais lorsque le pouvoir eût passé entre leurs mains à eux, ils renoncèrent sans aucun débat de conscience à toutes les libertés et déclarèrent de la façon la plus désinvolte l’idée même de la liberté bourgeoise, bonne pour la vieille Europe convertie, mais n’ayant aucune valeur pour la Russie. Un gouvernement, un pouvoir fort, c’est ce qu’il faut au peuple pour son bien, et moins on consultera le peuple, plus grand et plus solide sera son bonheur. Si Nicolas Ier et Araktcheieff, morts depuis longtemps, surgissaient de leurs tombeaux, ils pourraient triompher au point de vue de leurs idées : l’opposition russe, dès la première tentative de réaliser son haut idéal, a dû reconnaître que c’était le vrai idéal gouvernemental russe qui était le vrai.

Qui veut comprendre ce qui se passe à l’heure actuelle en Russie doit examiner avec une attention particulière les premiers phénomènes de création gouvernementale des Bolchéviks. Tout ce qu’ils ont fait plus tard se trouve très étroitement lié à leurs premiers actes.

Ici en Europe, et parfois en Russie même, d’aucuns sont