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Page:Mercure de France - 1er septembre 1920, tome 142, n° 533.djvu/28

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les peintres, etc. à donner toute leur capacité technique au service des besoins du prolétariat. »

Le discours est maladroit, long, ennuyeux, mal lié, mais le thème en reste toujours le même : nous forcerons, nous contraindrons, nous arracherons cette capacité technique et nous nous en servirons. On lui répondit. J’avoue pour ma part comprendre difficilement la psychologie de ceux qui lui répondirent et comment, d’une façon générale, on peut donner une réponse à des déclarations aussi ignares et aussi vulgaires. Il reprit la parole avec le sourire railleur et méprisant d’un homme qui connaît sa valeur. Après lui, c’est le président. Celui-là, comme je l’ai déjà dit, est un orateur expert. Dans un long discours, bien ordonné, il déclare qu’il comprend évidemment ceux qui défendent un passé tout récent, qui avait sa beauté et son intérêt. Mais le passé était passé, enterré à jamais. L’ouragan de la grande Révolution avait balayé tout le passé. Et c’était l’orateur précédent, le boiteux à barbe noire, qui parlait si vivement sur la nécessité d’arracher d’une main de fer la technicité aux représentants de l’art, c’était celui-là qui inaugurait l’avenir. « Moi-même, dit le président, j’étais il n’y a pas bien longtemps un admirateur du Ve siècle et de la culture hellénique. Aujourd’hui j’ai compris que j’étais dans l’erreur. L’ouragan de la Révolution a balayé les vieux idéaux. » Et il termina d’une façon fort inattendue pour moi : « J’étais aussi un lecteur et (là une série de termes très flatteurs pour moi que j’omets) des œuvres de Chestoff (il me nomme), mais là encore l’ouragan, etc… etc… »

Je n’étais pas disposé à prendre la parole, mais une fois mon nom prononcé, impossible de me taire. Je ne dis que quelques mots : « Il est évident, dis-je, que bien qu’on parle ici de la dictature du prolétariat, ce qu’on cherche à établir, dans ce domaine comme dans d’autres, n’est qu’une dictature sur le prolétariat. On ne demande même pas aux prolétaires ce qu’ils veulent. On leur ordonne simplement de se servir de je ne sais quelle technicité qu’on prétend