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Page:Mercure de France - 1er septembre 1920, tome 142, n° 533.djvu/34

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pas morte en Russie, elle s’est, au contraire, raffermie et accrue, comme jamais. En même temps, les procédés bolchévistes de sauvegarder les intérêts chers à l’âme russe ont montré une fois de plus que ceux qui avaient tant redouté que la Russie n’allât vers ce bonheur petit-bourgeois dont jouissait l’Europe avant la guerre, et qu’il ne fût écrit dans le sort des fils de la Russie de contempler le royaume des cieux sur la terre, les procédés bolchévistes ont montré, dis-je, que ceux-là s’inquiétaient et se tourmentaient vraiment pour rien. D’après les renseignements qui nous parviennent aujourd’hui de Russie, on y a établi le travail obligatoire de dix et douze heures, le salaire aux pièces, la surveillance militaire des ouvriers, etc… C’est tout naturel ! L’ouvrier ne veut pas donner son travail, ni le paysan son pain. Or on a besoin de beaucoup de pain et de beaucoup de travail. Il ne reste donc qu’une seule issue : il doit y avoir, d’un côté, des classes privilégiées qui ne travaillent pas et forcent les autres par des mesures terribles, impitoyables à travailler au-dessus de leurs forces, et, de l’autre, des hommes sans privilèges, sans droits, qui, sans épargner leur santé et même leur vie, doivent fournir leur travail au profit du tout.

Voilà ce qu’a apporté le bolchévisme qui a tant promis aux ouvriers et aux paysans. Quant à ce qu’il a apporté à la Russie, je n’en parlerai pas : tout le monde le sait.

Les Bolchéviks idéologues possèdent encore un argument : le dernier. « Oui, disent-ils, nous n’avons rien pu donner aux ouvriers et paysans russes, et nous avons ruiné la Russie. Mais il ne pouvait en être autrement. La Russie est un pays trop arriéré, les Russes sont trop incultes pour adopter nos idées. Mais il ne s’agit ni de la Russie ni des Russes. Notre tâche est plus large : nous devons faire sauter l’Occident, détruire l’esprit petit-bourgeois de l’Europe et de l’Amérique, et nous entretiendrons l’incendie en Russie jusqu’au moment où le feu aura embrasé nos voisins et de là sera répandu sur l’univers tout entier. C’est là