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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/113

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L’ÉGOÏSTE

Clara, vous avez raison. Ils sont ridicules. Mais, comprenez-moi, nous ne pouvons juger de notre individualité qu’en nous séparant du monde.

— Est-ce que c’est un art ?

— Si vous voulez ! C’est notre poésie, mais qui ne brille guère dans le monde. Deux amants ne trouvent leur éclat que dans la solitude.

— Non, ils finiront par se dévorer l’un l’autre.

— Plus pure est la beauté et mieux elle s’extériorise du monde.

— Sans se déclarer son adversaire ?

— Soit, condescendit Willoughby. Croyez-vous que l’expérience ait du monde la même opinion que l’ignorance ?

— L’expérience devrait être plus charitable.

— Croyez-vous que la vertu se sente à l’aise dans le monde ?

— Il me semble qu’elle sert de modèle.

— Croyez-vous que le monde soit accueillant à la sainteté ?

— Oh ! Oh ! Vous avez donc le goût du monastère ?

Il versait en pluie de compassion géniale, au-dessus de sa tête, un demi-rire. Ce qui est irritant à entendre quand on s’imagine avoir parlé juste.

— Dans mes lettres, Clara…

— Je n’ai pas du tout de mémoire, Willoughby !

— En tout cas vous aurez remarqué que dans mes lettres je ne suis pas tout à fait moi-même.