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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/161

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L’ÉGOÏSTE

tomber Vernon à genoux devant elle, pour autant qu’il puisse les plier, mais quand une dame s’attend à une déclaration, la formule intégrale n’est pas nécessaire. Est-ce qu’elle l’est ? Le direz-vous ? Pourtant il y a de jolies forteresses…

Il l’enlaçait. Clara commençait à s’y faire. Elle se soumit ; ne voyant aucun moyen d’y échapper, elle invoqua un froid salutaire pour arrêter son sang et elle passa par la minute, insensible. Après quoi, elle se reprochait d’en faire toute une affaire, l’estimant de moindre endurance que de l’écouter. D’ailleurs comment agir ? Elle était encagée. Par sa parole d’honneur, comme elle le croyait en de certains moments ; pour sa couardise, pensait-elle parfois ; percevant obscurément celle-ci plus puissante que celle-là ; elle ruminait sur cette question abstraite : la lâcheté d’une femme peut-elle être si absolue, qu’elle la pousse vers l’objet de son aversion ? Cette lâcheté peut-elle se comprendre ? Ne vient-il pas, le moment, où elle est aux abois ? Mais alors, l’Honneur au visage hagard surgit et réclame ses droits ; pour avoir le courage de se sauver, il faut que la femme ait le courage de rompre avec l’honneur, elle doit oser être sans foi ; il ne faut pas qu’elle se dise : « je serai brave, » il faut qu’elle le soit jusqu’au déshonneur. La cage d’une femme fiancée aspirant à sa liberté, a deux gardiens ; l’un est noble et l’autre vil. Où donc sur terre, est-il une créature aussi épouvantablement confinée. Il lui appartient de surmonter ce qui la