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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/162

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CHAPITRE X

dégrade, qu’elle puisse gagner la liberté en surmontant ce qui exalte.

Par sa situation, cette pensée (ou bien le brouillard de jeunesse acceptant ce mirage pour une pensée) née du mal présent, se précisa dans le cerveau de Clara : « Que ce doit être un monde branlant, piètrement construit, où l’heure de l’ignorance est créatrice de notre destin, forçant aux élections décisives dont l’issue de ce qu’il y a de plus important dans la vie. » Son maître l’avait amenée à voir le monde comme il le voyait.

Elle pensa aussi : « Comme cet homme doit mépriser les femmes qui osent ainsi s’exposer devant moi. »

Miss Middleton le dut à Sir Willoughby qu’elle cessât de penser en petite fille. Quand donc ce grand changement avait-il commencé ? Regardant en arrière, elle put croire que ce fut à cette période, qu’en amour, on appelle la première — à peu près dès le début. Car elle se sentait impuissante à évoquer le souvenir des émotions alors ressenties. Elles étaient si bien mortes qu’elle ne pouvait plus les faire surgir même sous forme d’ombres imprécises. Sans le blâmer, car jusqu’à ce certain point elle était raisonnable, elle se jugeait attrapée. En un rêve elle s’était vouée à un emprisonnement perpétuel ; ô terreur ! non pas en un cachot tranquille, les murailles nues qui l’enserraient, parlaient, exigeaient de l’ardeur, voulaient de l’admiration.

Elle était incapable de dire pourquoi il ne lui était