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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/24

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CHAPITRE PREMIER

fiancée, la belle et éblouissante Constance Durham, suivie par des rangs de dames et de messieurs, humant le grand air en guise d’apéritif. Sa chance coutumière voulut que tout en parlant d’amour à Miss Durham, Sir Willoughby portât son regard au loin, au bout de l’avenue de tilleuls. Il y nota la forme d’un homme trapu, qui, marchant sur le gravier séparant l’avenue du perron, ne portait pas du tout le cachet d’un gentleman. Cela se voyait « à son chapeau, son habit, ses pieds, à tout ce qui était de lui. » Comme Willoughby le fit remarquer aux dames de sa famille, en termes excellents qui prouvaient son cachet à lui, son authentique cachet de gentleman, son esquisse brève de la créature suggérait la répulsion. Le visiteur portait un sac, son collet était relevé, son chapeau mélancolique ; il avait l’aspect d’un banqueroutier en fuite ; ni gants, ni parapluie.

L’incident qui suivit fut léger.

La carte du lieutenant Patterne fut présentée à Sir Willoughby, qui la rejeta sur le plateau, disant au valet : « On n’y est pas ! »

Il était déçu quant à l’âge, au maintien de l’homme sans élégance qui réclamait sa parenté. Son instinct, dans toute son acuité, lui révélait comme il serait absurde de présenter à ses amis ce rustre épais, leur apprenant qu’il était ce brave lieutenant de l’infanterie de marine, l’honneur de la famille. Il en avait trop parlé, avec trop d’enthousiasme… Un jeune subalterne, même de physionomie assez vulgaire, aurait pu